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vendredi, 03 avril 2009

Enfiler des perles...

"Avril dont l'odeur nous augure
Le renaissant plaisir,
Tu découvres de mon désir
La secrète figure"

PAUL JEAN TOULET  Extr. "Les contrerimes" in "Paul Jean TOULET qui êtes-vous ?" par Pierre-Olivier WALZER . edition "La manufacture". 1987.

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Aucune loi n'existe qui postule nécessairement la participation des poètes aux remous des évènements et qui exige d'eux qu'ils chaussent quotidiennement le cothurne pour voler au secours d'un monde en perdition. Paul VALERY dît à ce propos :

" A chaque terrible époque, on a toujours vu un monsieur assis dans un coin qui soignait son écriture et enfilait des perles "

Au plus fort des guerres de religion, RONSARD s'il lui arrive de lancer l'anathème contre quelque ministreau de Genève, entreprend clairement de chanter les charmes (douteux d'ailleurs ;-) d'HELENE DE SURGERES et c'est pendant que crépitent les mitraillettes de Verdun que naît l'intemporelle beauté de "la jeune Parque" . Dans le même temps P.J TOULET polit ses contrerimes (patience ! nous y reviendrons). Jusqu'en 1920 (date de sa mort), le poète restera un homme de 1900. Il est vrai que le siècle avait fort bien commencé. 1900,  Luxe emplumé, légereté oisive, après les années de pénitence qui suivirent la défaite de 1870, Paris reprend goût  à la vie, à ses plaisirs, à ses déboires. le commerce français prospère, les étrangers affluent à l'exposition, le modern style triomphe. La littérature qu'on lit est représentée par A. FRANCE, ZOLA, BOURGET, BARRES, COPPEE, CAPUS, PREVOST, MIRBEAU, BRUNETIERE, LEMAITRE et l'on ne met personne au dessus de ROSTAND. L'écriture artiste étale ses prétentieux enchantements dans les oeuvres de Jean LORRAIN ou du SÂR PELADAN. Ailleurs, DOSTOIEVSKI, TOLSTOÏ, IBSEN, BJÖRNSON, NIETSZCHE sont sur le point d'être promus écrivains. Quant à la littérature qu'on ne lit pas, elle trouve refuge dans les revues, ("La Plume", L'Ermitage", "la Vogue","L'Occident", "Le festin d'Esope", "Le mercure" ) où se découvrent les signatures de P. FORT, FAGUS, P. LOUŸS, GIDE, APOLLINAIRE et tout ce qui comptera en 1925. L'importance de la révolution qui impose le règne de la machine et qui reste le plus angoissant problème du siècle échappe complètement à P.J TOULET de même que les problèmes sociaux qu'elle a engendrés. La première Panhard roulant dans les rues de Paris n'est pas un spectacle amusant pour lui, et le premier coup de canon de la guerre de 1914 ne lui donnera pas non plus l'impression d'entrer dans une époque nouvelle. Il a beau mettre dans ses vers "La laideur sans espérance de la tour Eiffel", les bars, les taxautos (ce fût le 1er nom des taxis) ce ne sont là que des touches de modernisme vaguement utiles à son art. Le pittoresque le touche plus que l'essentiel, et il se refuse à chanter les couplets louant le génie inventif de l'Homme, tout comme à tenter de deviner les pesantes questions que posera aux habitants de la planète le déclenchement de l'ère mécanicienne. Pourtant il vit la fin d'une époque. Les solides pharisaïsmes, les cadres sociaux rigides hérités du XIX em siècle sont sur le point de se fissurer mais tout se passe comme si PAUL-JEAN TOULET ne s'en apercevait point ...

"Comme je lui levais sa jupe, curieux
De voir son bas plus rose où le jarret l'affleure
- "Fumez plutôt, mon cher. Fleurter ce n'est pas l'heure ;"
Me dit -elle immobile, et "soyons sérieux"...

Photo : Fleurtons... Enfilons, premières perles (roses) du printemps, celles qui sont sur les arbres fruitiers, tandis que le monde agonise... Vues tout près du chateau du Marquis de Montrouan (un ami du cher Carabas) dans le brionnais en ce beau mois d'Avril 2009.© Frb

Notes : d'après P.O. WALZER "Paul-Jean TOULET qui êtes vous ?"

jeudi, 02 avril 2009

La chose et les carnets

"L'amant est attiré par l'objet aimé, comme le sens par ce qu'il perçoit ; ils s'unissent et ne forment plus qu'un. L'oeuvre est la première chose qui naît de cette union. Si l'objet aimé est vil, l'amant s'avilit. Si l'objet avec lequel il y a eu union est en harmonie avec celui qui l'accueille, il en résulte délectation, plaisir et satisfaction. L'amant est-il uni à ce qu'il aime, il trouve l'apaisement ; le fardeau déposé, il trouve le repos. La chose se reconnaît avec notre intellect"

LEONARD DE VINCI. Extr "Carnets, tr. * 9a in LEONARD DE VINCI "Prophéties, précédé de philosophie et aphorismes", traduits de l'italien par Louise Servicen. Editions Gallimard 1942.

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Voilà donc, sur la trame de nos parcours tendres, le secret révélé en cette courte phrase achevant mine de rien l'impertubable logique amoureuse de ce bon Léonard ( Homme pratique, pas fleur bleue pour un sou), si nos lecteurs, lectrices, s'en désolent, ils se consoleront bien vite en cliquant une fois sur l'image :

"La chose se reconnaît avec notre intellect"

"-Quoi, quelle chose ?" me répondit Rosie Pomponnette quand je lui certifiais (en revenant bredouille d'une soirée "Cerceau Disco" donnée au Macumba" de Vaise), que l'intellect (voire l'intellectuel ;-)) était un facteur érotique, tandis qu'elle relevait doucement ses jupons sur une diabolique guêpière, dans l'unique but de se faire emmener en Vespa par Léonard... Sans se soucier d'affinités (intellectuelles bien sûr!). "- Quoi ? L'intellectuel est un facteur ? J'comprends rien !" grogna t-elle en grimpant joyeusement sur le porte-bagage du scooter ailé de Léonard ("ailé", oui. Léonard aimait bricoler il avait customisé son scooter, et greffé méticuleusement des ailes de chauve-souris géantes derrière la selle qui pouvaient se déplier à mesure que l'engin prenait de la vitesse)  Pendant ce temps là, la phrase, fameuse et belle, faisait son chemin dans ma tête. Evidemment je ne savais pas que cet homme, ce génie de la Renaissance avait énoncé la chose avant moi. "- quelle chose ?" demanda encore Rosie Pomponnette tandis que Léonard faisait ronfler le moteur de son puissant scooter, non seulement ailé mais pourvu d'un moteur d'avion "Antoinette" à huit cylindres avec refroidissement par évaporation, (celui là même qu 'ALBERTO SANTOS DUMONT utilisa pour la première fois en 1906)...  Mais je fus bien ravie de le lire noir sur blanc que "La chose se reconnaît avec notre intellect" trois fois, oui ! (cela s'appelle enfoncer le clou). Ainsi, je décidai de finir la nuit seule, à parcourir ça et là, la traduction de quelques uns des carnets du peintre et savant . Des manuscrits curieux dans tous les sens du terme, au format et au contenu varié, certains si petits qu'ils se glissent comme rien dans une poche (les grands malades atteints de carneïte aigue, et Dieu sait qu'ils sont nombreux ! apprécieront, les pick pockets en rêveront...). Ces carnets contiennent des notes, des croquis, des ébauches de traités sur toutes sortes de sujets dont certains n'ont pas encore perdu leurs mystères. La bibliothèque de L'institut de France en a conservé douze datant de 1487 à 1508. Ces carnets sont écrits en italien mêlé de dialecte Lombard et l'écriture en est inversée (on appelle ça une écriture "spéculaire" ou en miroir, sans rapport avec notre "nolbe et marchant Charmillon"), elle se lit de droite à gauche car LEONARD était gaucher. A la fin du XVIII em s., ces carnets furent distingués au moyen de lettres de A à M qui les caractérisent toujours. Quelques 13000 pages d'écritures et de dessins, des notes mises à jour quotidiennement, et aussi durant ses voyages. L'artiste observait le monde. Fier et conscient. Il se définissait lui-même comme "un homme sans lettres". Plus étonnant, on y trouve, aussi ses listes de commissions de quelconque épicerie, ou notes à l'usage de ses débiteurs. Des compositions de peinture, des études de détails et de tapisserie,des études de visages, d'émotions, des animaux, des dissections, des études botaniques, géologiques, mécaniques, des machines de guerre, des machines volantes et des travaux d'architecture. Ces carnets, initialement "feuilles volantes" (ça laisse songeur, non ?) furent légués à ses amis puis compilés (sous différentes formes de carnets après sa mort) ils ont trouvé leur place dans des collections importantes (au chateau de Windsor, au musée du Louvres, bibliothèque Nationale d'Espagne, bibliothèque Ambrosienne de Milan etc ...). Ces carnets auraient pu être destinés à la publication, car le mode d'organisation semblent avoir été conçu pour en faciliter l'édition et la raison pour laquelle ils n'ont pas été publiés du vivant de VINCI n'est pas vraiment connue, mais certains estiment que la société de l'époque n'était pas prête à les recevoir, notamment L'Eglise qui aurait été fort choquée par les travaux anatomiques.

"(…) Mais j’ai voulu aussi passionnément connaître et comprendre la nature humaine, savoir ce qu’il y avait à l’intérieur de nos corps. Pour cela, des nuits entières, j’ai disséqué des cadavres, bravant ainsi l’interdiction du pape. (…) Ce que j’ai cherché finalement, à travers tous mes travaux et particulièrement à travers mes peintures, ce que j’ai cherché toute ma vie, c’est à comprendre le mystère de la nature humaine (…)" LEONARD DE VINCI. Extr. "Carnets".

La nuit passait. Le jour se levait presque. J'en étais là de ma lecture, quand j'entendis claquer la porte, et vis entrer presque aussi vite mon amie Rosie Pomponnette en larmes. "Hé bien Rosie ! que t'arrive-t-il ? Je croyais que tu passais la nuit chez Léonard. (lui dis je). Rosie (les bas en tire-bouchon, et la guêpière aussi) me regardait tristement : "Leonard c'est un gros connard ! j'ai tout essayé tu sais, j'ai dansé, j'ai chanté, j'ai relevé mes jupons, et puis même la guêpière, un con! rien ne l'interessait. Et au lieu de ça, tu sais quoi ? il m'a montré, "une tondeuse pour drap de laine!" qu'il avait dessinée pis des "shémas de roulements à bille" ! j'te jure ! et le reste de la nuit,  il m'a parlé de "la rotation de l'aile de l'oiseau quand un oiseau vole par rapport au vent"... Pis là, j'ai baillé, il l'a vu, il voulait me dessiner en train de bailler j'ai dis non, pis voilà."

Je refermai patiemment les "carnets" un à un, en choisit un et le tendit doucement à Rosie Pomponnette: "Tiens, tu devrais lire ça!" puis je lui montrai le passage, celui qui parle de "la chose": "L'amant est attiré par l'objet aimé ..... délectation, plaisir , satisfaction etc ... Une fois le fardeau déposé... gnagna" puis je lisai la dernière phrase à haute voix:

"La chose se reconnaît avec notre 'intellect"...

Rosie acquiessa, en secouant d'un hochement les dernier kikis roses qui rebiquaient autour de la grosse couette qu'elle s'était faite au sommet de sa tête. Elle essuya, tout en reniflant, avec son mouchoir "Snoopy", sa dernière grosse larme. Il y eût un long silence. J'entendis un bruit de plastique de petite quincaillerie douce, (le bruit que toute fille fait quand elle fouille dans son sac à main") et Rosie Pomponnette en sortit son portable très joliment pourvu d'une housse en forme de coeur "Naf Naf"... Elle avait l'air, (grâce à la phrase de l'inventeur, pensai je) tout à fait éclairée.

"ben ouaich! elle est mortelle c'te phrase ! chui trop conne, t'as raison ! j'vais changer de fringues et je vais vite rappeler Léonard !" puis elle courût guillerette, dans sa chambre pour chercher son body lamé et ses baskets à talons ; sous l'oeil mystérieux de Mona au salon qui comme toujours ne pipait mot...

Abréviation : tr * = Codice Trivulziano.

Photo : Les toutes premières fleurs en émoi printanier bordant la forêt Brionnaise, pas très loin de l'étang des clefs... (Et qui n'ont pas besoin de l'intellect pour se faire remarquer ; Elles !). Avril 2009 © Frb

mardi, 24 mars 2009

Poème du bréchet de l'oiseau...

"Une fois j'étais fatigué d'être jeune.
Alors je voulus me changer en vieillard.
Mais j'étais mourant !
Les enfants se rassemblèrent autour de moi
en disant :
"Ne meurs pas.
Sortons, ayons encore un jour.
Regarde ! La lune nous pardonne
Avec un nouveau soleil"
Mais j'étais en sueur et je dis :
"Il est temps.
Ce tronc s'est creusé de lui-même
et m'attend.
Ma vieille âme a déjà enfilé ses chaussures."
Alors je rampai jusque dans le tronc
tandis que la lune commençait juste
à me pardonner."

Extr : "Poèmes de l'os magique" in "Partition rouge". Poèmes et chants des indiens d'Amérique du Nord. Florence DELAY § Jacques ROUBAUD. Ed.du Seuil 1988

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Jacob NIBENEGENESABE; vécut 94 ans au nord est du lac Winnipeg au Canada, il fût un grand conteur qui racontait les histoires sacrées de WICHIKAPACHE, le Coyote cree, L'écornifleur, mais il inventa aussi à l'interieur de la tradition un nouveau cycle de "joueurs de tours" : "Les poèmes de l'os magique" que recueillit HOWARD A. NORMAN. L'os magique dont il s'agit ici n'est autre que le bréchet de l'oiseau (Le bréchet de l'oiseau pour les novices est aussi appelée "crête sternale" ou "quille du sternum" et c'est chez les oiseaux l'organe préeminent sur lequel s'insèrent les puissants muscles pectoraux et supracoracoïdiens, nécessaires au vol ; il est donc présent chez tous les oiseaux (sauf - comme chacun sait ;-) chez les Kalapos - un psittacidae - ou chez les struthioniformes, c'est à dire les espèces incapables de voler... Ou encore, le bréchet, (une pensée en passant pour notre ami de Vaste blogue*) : désigne cette fourche délicate* du sternum qu'enfants, on cherchait dans le poulet : Une fois le blanc de poulet mangé, à deux on le tenait chacun par un bout en tirant, quand l'un cassait, l'autre avait gagné et formulait un voeu. Le voeu inlassable du poète cree est l'instrument de métamorphose qui permet de devenir un "joueur de tours" capable de se trouver lui même dans toutes sortes de situations et de faire exister les choses en les désirant...

Source : "Partition rouge" (Notes : F. DELAY/ J. ROUBAUD)

Photo : La planque D'ALCESTE retrouvée, par la grâce de WICHIKAPACHE, (par un hasard des plus bizarres) lors d'une ballade dans le brionnais, au Clos Bôteret exactement. Mars 2009 © Frb

mercredi, 18 mars 2009

Métamorph'ose

Comme un mercredi

"De mon village je vois de la terre tout ce qu'on peut en voir
De l'univers...
C'est pour cela que mon village est aussi grand qu'un autre
Pays quelconque
Parce que je suis de la dimension de ce que je vois
Et non de la dimension de ma propre taille"

FERNANDO PESSOA  in "Le gardeur de troupeaux"  VII.  Extr. "Le gardeur de troupeaux et autres poèmes d'ALBERTO CAIERO" traduction d'Armand GUILBERT. Editions Gallimard 1960

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Toujours plus haut ! le graffeur "OSE" (que l'on suit fidélement depuis ses timides débuts) grimpe aux arbres du côté de la rue Jacquard, et se paye un quartier d'orange entre l'ancien et le nouveau. A noter qu' "OSE" s'affirme de de plus en plus rondement, en grossissant au fil du temps. "Magicien D'OSE" ? ... Où s'arrêtera -t-il ???

Je dédie ce billet à Laurence qui m'a glissé la "bonne chanson" :

http://www.dailymotion.com/related/x32tyl/video/x32nwb_so...

Histoire à suivre...

Quant à FERNANDO PESSOA osant moults hétéronymes, nous en reparlerons bientôt, plus en détails dans quelques jours...

Photo : Un monde osé comme une orange ? Vu sur le beau plateau de la Croix-Rousse à Lyon. Mars 2009. © Frb

mercredi, 11 mars 2009

Comme un mercredi qui te dit cent fois...

"Cette intelligence qui rôde dans les chemins du Ciel
Te dit cent fois par jour :
"A cette minute même, comprends donc
Que tu n'es point
Comme ces herbes qui reverdissent après
avoir été cueillies."

OMAR KHAYYAM  extr. "Quatrains". XLIX. Editions Mille et une nuits. 1995.

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OMAR KHAYYAM (avec un accent sur le deuxième A, que mon clavier occidental n'a pas ;-) est né à Nichapour en Perse en 1048, on ne connaît qu'approximativement les dates et évènements de sa vie. Le nom complet du poète est OMAR IBEN IBRAHIM EL-KHAIAMI qui signifie OMAR fils d'ABRAHAM, fabricant (vendeur) de tentes. La coutume en Orient voulant que les poètes se donnent un surnom, OMAR opta pour celui qui indiquait la profession de son père et la sienne: KHAYYAM. Si l'Occident l'aborde en tant que poète, l'Orient pendant longtemps le découvrît comme savant. Dès 1074, il se fît connaître comme mathématicien, auteur d'un traité d'algèbre qui fût publié et traduit en français en 1851. Il fût également géométre, auteur d'un traité de physique sur le poids spécifique des métaux précieux; et astronome appelé par le sultan qui le chargea de la réforme du calendrier persan. Enfin, il laissa deux ouvrages de métaphysiques sur "L'existence" et sur "L'être et la capacité légale" avec des thèmes de réflexion que l'on retrouve dans les "quatrains". Plus tard, sa renommée poétique s'imposa dans tout l'Orient, ses poèmes, pessimistes, sceptiques et souvent blasphématoires circulèrent mais discrètement dans tout l'Orient car les autorités islamiques réprimaient la libre pensée. Les "Quatrains" pour bon nombre d'entre eux, furent inventés dans des moments privilégiés, où KHAYYAM (entourés d'amis qui cherchaient l'extase dans la contemplation avec lui); organisait sur la terrasse de sa maison, des soirées amicales agrémentées de vin à volonté de musiques et de danses pendant lesquelles il proclamait à ses convives ses derniers vers. Préférant les plaisirs de l'éphémère aux dogmes dictés "vérités suprêmes", OMAR KHAYYAM symbolise la liberté absolue honnie tant par le religieux que par le politique. Il fascina beaucoup d'artistes dont Marguerite YOURCENAR qui finalement choisit (entre lui et Hadrien), d'écrire une biographie d'Hadrien, manquant de temps pour se consacrer à KHAYYAM. Le poète est aussi évoqué  par AMIN MAALOUF dans le roman "Samarcande"; mais ce sont surtout les artistes du XIXem siècle (versés dans l'orientalisme) qui contribuèrent à mieux le faire connaître en le citant comme référence. Théophile GAUTIER dans un article paru dans "le moniteur universel" en 1867  écrivit : "On est étonné de cette liberté absolue d'esprit, que les plus hauts penseurs modernes égalent à peine, à une époque où la crédulité la plus superstitieuse régnait en Europe... "

Eléments d'une biographie d'Omar KHAYYAM ICI : http://www.bibmath.net/bios/index.php3?action=affiche&...

+ un retour sur les "Quatrains" à découvrir chez "VASTE BLOGUE" (le bien nommé) dans une traduction( ô combien !) différente toute en subtilités. Retour et détours (pour l'Amour de KHAYYAM ;-) infiniment recommandés par la maison :

http://tangleding.hautetfort.com/archive/2008/11/20/omar-...

http://tangleding.hautetfort.com/archive/2008/11/20/omar-...

http://tangleding.hautetfort.com/archive/2008/11/20/omar-...

http://tangleding.hautetfort.com/archive/2008/11/20/omar-...

http://tangleding.hautetfort.com/archive/2008/11/20/omar-...

Photo 1 : La Dame n'est point comme ces herbes qui reverdissent après. Elle qui se meurt encore et toujours sous son cadre au palais, avec son bout de nez cassé et sa petite couette rebelle dont se moque bien l'Eternité autant que les buveurs de vin du "Moulin" d'à côté...

(pour voir sous une autre lumière cliquez sur cette image )

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Photo 2 : Vivre ou mourir sous les arcades ? Deux temps. Deux mouvements. Ou peut-être un instant pour vivre et mourir en même temps. Aperçu d'une promenade au Musée St Pierre, place des Terreaux à Lyon en février 2009. © Frb.

mercredi, 04 mars 2009

Comme un mercredi

"Il faut regarder le monde comme le fait un enfant, avec de grands yeux stupéfaits: il est si beau. Allez courir dans les champs, traverser les plaines à fond de train comme un cheval ; sautez à la corde et, quand vous aurez six ans, vous ne saurez plus rien et vous verrez des choses insensées."

ARTHUR CRAVAN : extr. Revue "Maintenant N°4".

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"Tête au carré vous salue bien"... N'oublions pas qu'Arthur CRAVAN:  (1887-1918) alias FABIEN AVENARIUS LLOYD, (un pseudonyme bien sûr), présenté comme neveu D'oscar WILDE, "poète aux cheveux les plus courts du monde". VOIR ICI → le très beau spécimen ;-) ne fût  pas seulement écrivain, mais aussi vrai boxeur. Il mît d'ailleurs un certain temps à sortir du joug et de l'emphase académique (qui souvent nimbe le monde des écrivains", pour préférer, le jeu, la fantaisie et le scandale. D'auteur très appliqué (influencé par Paul VERLAINE, entre autres), il devînt fougueux, débridé, et volontiers provocateur allant jusqu'à vendre sa revue lui-même (la revue "MAINTENANT"), dans une voiture à bras, en montant sur scène pour des conférences houleuses, ou en boxant sur le ring. La phrase au dessus de "tête au carré" est un de ses manifestes poétiques parmi plusieurs du même tonneau... Le désordre, les associations libres, font tout son style. "De ce chaos,naîtra la poésie" dit il... Sa résolution de jeux, traversant toute son écriture assume tant les fantaisies du corps que celles de l'âme. Dans sa revue Arthur CRAVAN écrira :

"(...) Je ne comprendrai jamais comment Victor Hugo a pu, quarante ans durant, faire son métier. Toute la littérature, c'est: ta, ta, ta, ta, ta, ta." ("Maintenant", n°3)

"Tatata ... Au diable, les poètes respectables ! et leurs cercles condescendants  ! J'en connais qui ne vont pas être contents... Ou plutôt, je ne les connais pas encore... Sujet  libre à débattre bien évidemment ...

Photo:  graff enfantin  et son "hello" qui travaille du chapeau (comme un mercredi), vu sur les murs du cours Emile Zola à Villeurbanne. Mars 2009. © Frb.

samedi, 28 février 2009

L'enfer c'est "mon autre"...

"Il y a quelque chose en moi
Au fond de moi, au centre de moi
Quelque chose d'infiniment aride
Comme le sommet des plus hautes montagnes
Quelquechose de comparable au point mort de la
rétine
Et sans echo
Et qui pourtant voit et entend;
Un être ayant une vie propre, et qui, cependant
Vit toute ma vie et écoute, impassible,
Tous les bavardages de ma conscience"

VALERY LARBAUD . Extr " Le don de soi-même" in  "Les poésies de A.O BARNABOOTH". Editions Gallimard 1966.

 

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Mystificateur et démystifiant à la fois, Valery LARBAUD fût-il conscient de tout ce qu'il mettait du plus vrai de lui même en s'appliquant à créer un personnage qui lui fût dissemblable ? A.O. BARNABOOTH est le mystérieux narrateur de ses frasques, le milliardaire, enfant gâté mais c'est aussi Valery LARBAUD lui-même, héritier d'une famille aisée, le mystificateur, narrateur passionné de la vérité. Valery LARBAUD renonce à sa signature et feindra d'être aux ordres d'un capricieux nabab dont il écrira le portrait proche de la caricature. Ainsi pourra-t-il se laisser aller sans vergogne à ses désirs littéraires, dans le pastiche comme dans l'anarchie. "Rarement l'audace a su aussi bien user de la timidité" écrira Robert MALLET en 1966, dans sa préface aux "Poésies de A.O. BARNABOOTH"

L'idée du personnage A.O. BARNABOOTH semble avoir pris naissance dès son enfance à la lecture d'un livre de Louis- Henri BOUSSENARD "Les secrets de Monsieur synthèse". Ce "Monsieur Synthèse" est un homme si riche qu'il peut du jour au lerndemain acquérir "la propriété foncière du globe". V. LARBAUD, enfant, rêve (comme beaucoup d'enfants) de cette omnipotence., il en rêve aussi à la lecture de "L'histoire Romaine de Victor DURUY lorsqu'il découvre les empereurs de la décadence dont l'extrême jeunesse dispose du pouvoir absolu.

En 1902 BARNABOOTH prend vie réelle dans l'esprit de V. LARBAUD, lors d'un voyage à Londres avec un camarade très fortuné qui s'offre tous ses caprices. V. LARBAUD crée son personnage à l'aide d'une localité proche de Londres "Barnes" et du mot "Booth" enseigne des pharmacies anglaises à succursales multiples.

Le "BARNABOOTH" "réel" ne paraîtra qu'en 1908, après une première ébauche dès 1902 à la faveur d'un tour d'Europe et autres séjours à l'étranger. Les matériaux qui serviront à V. LARBAUD à composer les écrits de son personnage sont amorçés; le 4 juillet 1908, paraissent à ses frais 100 exemplaires d'un volume où sont réunies ce qu'il nomme "Les oeuvres françaises de M. BARNABOOTH". A savoir, un conte "Le pauvre chemisier" + les poèmes". Il fait précéder cette oeuvre d'une "Vie de BARNABOOTH" attribuée à X.M TOURNIER DE ZAMBLE. En 1913, après la spontanéité qui défoule, vient la réflexion qui épure, la suppression de la biographie est plus que compensée par "Le journal". 15 pièces sont éliminées et d'autres raccourcies".

BARNABOOTH est l'image même de la puissance que donne la fortune et des limites assignées à cette puissance par des réalités morales ou physiques sur lesquelles l'argent n'a pas de prise.

A.O. BARNABOOTH est lucide. Il ne changera pas le monde tout seul. Il sait qu'il faudrait que le monde fût transformé par les masses, mais il n'a  ni le courage ni les moyens de se faire l'apôtre de l'insurrrection alors il se laisse emporter par sa fantaisie.

Ainsi dira t-il de lui même :

" Vous voyez en moi  un homme que le sentiment de l'injustice sociale et de la misère du monde a rendu complètement fou".

Sources : " Les poésie de A.O BARNABOOTH - Préface  de Robert MALLET.

Photo: Une ouverture entre les murs; pas très loin de la "Chapelle des apparitions" vue à Paray le Monial. Février 2009. © Frb.

samedi, 24 janvier 2009

Vieux hibou

" J'ai pour voisin de brousse, un vieux que la mort semble dédaigner. son tatouage le rend effrayant ainsi que sa maigreur. il fût condamné autrefois pour anthropophagie. puis on le vit revenir avant l'expiration de sa peine. un farceur de capitaine italien, me voulant du bien, lui raconta que c'était moi, autrefois tout puissant, qui avait intercédé en sa faveur : je ne démentis pas le mensonge et cela me fût utile. Car le vieux, qu'on n'a jamais pu baptiser chrétien, reste pour nous un sorcier; et il a mis sur ma personne et ma maison, le tabou, c'est à dire que je suis sacré. Quoique ayant appris des missionnaires toutes les superstitions que ces religieux leur apprennent, ils conservent encore leurs anciennes traditions. Ce vieux et moi nous sommes des amis et je lui donne du tabac sans que pour cela il s'en étonne. Je lui demande quelquefois si la chair est bonne à manger; c'est alors que sa figure s'illumine d'une infinie douceur (douceur toute particulière aux sauvages) et il me montre son formidable ratelier. J'eus la curiosité de lui donner un jour une boîte de sardines : ce ne fût pas long. Avec ses dents, il ouvrît sans se faire de mal la boîte et il mangea le tout rubis sur l'ongle. Comme on le voit, plus je vieillis, moins je me civilise."

PAUL GAUGUIN  Extr. "Second séjour en Océanie In "Oviri" (écrits d'un sauvage), textes choisis et présentés par Daniel GUERIN. Editions Gallimard 1974.vieux hibou.jpg

Photo:  "Ibou" le jeune, élève (?) dissipé de GAUGUIN (oui, enfin... Il ne faut pas tout croire non plus;-), pose son île citadine en gestes abstraits archisauvages sur les murs de la rue Ozanam dans le premier arrondissement.(Ozanam fait un peu nom d'île non ? sauf que l'île Ozanam s'appelait Frédéric et que c'était un pionnier du catholicisme social mais bon...) La fresque a été vue à Lyon au début du mois de Janvier 2009.

Lien utile : PAUL GAUGUIN biographie : http://www.impressionniste.net/gauguin.htm

samedi, 03 janvier 2009

La fête est finie ou presque...

J'espère que le lecteur (adoré ;-) me pardonnera de plomber un petit peu l'ambiance, de gâcher l'enthousiasme, les plaisirs qui augurent tout début d'année mais bon, la vie est courte et ça commence à savoir, alors autant le dire en face desfois que nous n'aurions pas été (assez) prévenus...

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"Chaque fois je m'étonne, lorsque je vois des gens prier qu'on leur consacre du temps, et ceux qu'on prie accorder ce temps sans difficulté; l'un et l'autre considérant le motif pour lequel du temps est demandé, le temps en lui même, personne: comme si l'on ne demandait presque rien, ni n'accordait presque rien. La chose la plus précieuse de toutes, on s'en moque; l'on s'y trompe aussi, parce que c'est une chose immatérielle, parce qu'elle ne vient pas sous les yeux et à ce titre on l'estime de très faible valeur, pis: d'un prix à peu près nul (...) Personne n'apprécie le temps à sa véritable valeur; chacun en use avec lui sans retenue, comme s'il était presque gratuit (...) Si, pourtant, l'on pouvait faire connaître à chacun le nombre, à l'instar de celui des ans qu'il a déjà vécus, des ans qui lui restent à vivre, comme trembleraient ceux qui verraient le peu de temps qu'il leur reste, et comme ils géreraient ces années avec parcimonie (...) Personne ne te restaurera tes années, personne ne te rendra une seconde fois à toi même. Ton âge poursuivra son cours comme il a commencé, sans retour en arrière ni pause; sans nul remue-ménage, sans rien pour signaler sa rapidité : il avancera en silence. Ni l'autorité d'un roi ni la faveur d'un peuple ne rallongeront sa course selon l'élan du premier jour, elle glissera sans jamais dévier, sans jamais ralentir.

Que se passera t-il ?"

SENEQUE . Extr. "Sur la brieveté de la vie" traduction du latin et postface par Xavier BORDES. Editions Mille et une nuits. Janvier 1994.

Photo: Deux impressions d'aiguilles sur la sève figée. L' horloge conifère marque à jamais 15H50. Vue au lieu-dit "clôt boteret", quelquepart dans le Brionnais, tout à côté de la très secrète "villa Alceste", en bordure d'un chemin de terre, juste à l'entrée de la forêt. Décembre 2008.Frb©.

lundi, 22 décembre 2008

Comme un lundi dans la nuit Alcestienne

"L'élu du Solstice d'hiver
Entrera dans la nuit des temps
Cassé bientôt,
Comme un rat gelé à pierre
Puis écrasé par un poids lourd
Et rebuté d'un coup de rouvre
Blanchi sur la verge de Dieu"

André Pieyre DE MANDIARGUES "Les souffleurs de verre" 20 décembre 1965. Extr; "Ruisseau des solitudes".Gallimard 1968.

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"Les souffleurs de verre" de MANDIARGUES, ont l'alchimie plus blanche que nos souffleurs de murs et autres balayeurs de feuilles en ces routes qui achèvent l'année sur un thème Alcestien. Alceste comme un rat gelé sous la pierre entre dans caverne et dans la nuit d'un temps singulier, qui ne sera blanchie qu'au printemps, quand refleurira le muguet, peut être un peu avant... Il n'y a presque plus, pour l'heure ni verdure ni ombrages, mais nos murs ont leurs personnages que la nuit met au secret du mouvement...

Photo: Mur blanchi à l'usure vu sur la colline travailleuse au lendemain du solstice d'hiver à Lyon. Décembre 2008. Fb ©.

dimanche, 21 décembre 2008

Comme un dimanche d'hiver brûlant

"Nulle fleur n'est excessive
Au seuil du solstice d'hiver
Mais quelle sève ou quel sang fou
Quel vin sert à l'ardente écume
Monte depuis le pied monté
jusqu'en haut de la belle hampe ?
Tes pétales sont des lions
Qui ont pris feu du tout premier bond
Quand tu as épanoui ta tête
Au défi d'un ciel neigeux
Et leurs griffes flambloyantes
Ont aveuglé toutes les lampes
Tes lèvres se sont ouvertes
Comme la glace d'un étang
Devant l'ombre d'un imprudent"

André Pieyre de MANDIARGUES. Extr. "Ruisseau des solitudes". Edition: Gallimard 1968.

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Il n'y a pas de lion rue Denfert (Rochereau) à Lyon, Il n'y a pas d'enfer à Lyon, enfin pas en ces lieux tranquilles des petits quartiers de colline... juste l'ultime fleur prise au jardin d'un presbytère dans l'objectif floué par le vent glacé de l'hiver en nocturnes, où certains coeurs brûlent pourtant dont celui d'André Pieyre...

mardi, 18 novembre 2008

voltigeur au rameau

"Je songeais ce matin que j'étais à l'entrée
Du beau verger d'Amour et qu'un désir ardent
me fit entrer au fond où j'allais regardant
cent arbres inconnus en toute autre contrée

Entre autres un rameau d'un fruit d'or se bravait;
tel que l'Hespérien ainsi qu'on dit avait.
Soudain pour le cueillir dessus l'arbre je monte.

Mais une branche alors se rompit dessous moi;
tellement qu'accroché à l'arbre en grand émoi
je béais à ce fruit avecque peine et honte"

Jean GODARD (1564- 1630). Extr: "Anthologie de la poésie amoureuse de l'âge baroque" (1570-1640).

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Jean GODARD est un poète satirique et heroïque, auteur dramatique, linguiste et grammairien ("La langue françoise 1620), Jean GODARD, parisien , a laissé outre des "Mélanges", de belles poésies amoureuses: ("Les prémioces de la flore" 1587), et "La Lucresse ou les secondes Amours" dans "oeuves, 1594), influencé par RONSARD, il aime comme lui, les scènes familières, les glissades sur la Seine gelée, une sieste où la belle dévoile quelques charmes CLICK, et il reprend de nombreux thèmes du lyrisme "mignard", mais sa préciosité est toujours tempérée par un léger humour. Ainsi corrige-t-il la mignardise de thème folâtre par une très discrète ouverture aux thèmes baroques. Les métamorphoses, les songes érotiques et leurs images mouvantes, les déguisements qui troublent l'identité sexuelle CLICK , les jeux de reflets et d'échos. Jean GODARD se contente de dire en sourdine, sans jamais hausser le ton, la terreur que suscite parfois Eros et le délicieux rêve de mutilation qui le hante.

Source: "Anthologie de la poésie Amoureuse et baroque " et notes de Gisèle MATHIEU-CASTELLANI. Librairie générale française 1990

Photo: Un peu plus qu'un rameau de feuilles pourpres dans le jardin, qui conduit en haut de l'esplanade à deux pas du plateau de la Croix-Rousse à Lyon. Novembre 2008 ©

lundi, 10 novembre 2008

Fenêtres

"J'insiste pour que les portes soient fermées, chaque pièce, doit avoir son usage propre, délimité. Ma topique subjective est la fois celle des fenêtres ouvertes et de la chambre à soi"

J.B. PONTALIS in "Traversée des ombres". Gallimard 2003.

IMG_0121.JPG Rue Bonnet sur le plateau de la Croix-Rousse à Lyon, (Ne pas confondre avec la rue Bonnet à Villeurbanne) CLICK . Fenêtres à ciel ouvert qui ne sont sans doute pas les fenêtres rêvées par JB PONTALIS, mais qui ont l'avantage d'ouvrir la perspective. Cinq belles échancrures, sur un monde dépeuplé...

Photo: Novembre 2008 ©

jeudi, 30 octobre 2008

Contre les poètes

oiseau au parc.jpgEn 1947 W. GOMBROWICZ se demande dans un texte curieux intitulé "Contre les poètes" si la poésie n'est pas, au fond, qu'une vaste supercherie. "La messe poétique a lieu dans le vide le plus complet" note-t-il. Il faut dire que W.GOMBROWICZ ne considère pas la littérature comme un refuge ou une rédemption. Pour lui la vie est une bagarre. Ses romans ne se considèrent pas au dessus de la bagarre. Ses personnages sont sur le ring. W. GOMBROWICZ refuse le "sérieux", paradoxalement son refus du sérieux n'aboutit pas à la légereté, n'aboutit pas à la négation de la douleur, ni de la souffrance. Le corps, le geste ont une importance majeure dans son oeuvre. Le corps est pour lui matière malléable: une pâte. Pour en revenir à nos poètes, W. GOMBROWICZ accepte alors l'idée que la messe poétique ait lieu dans le vide le plus complet. Ce "contre les poètes" d'abord paru dans la revue Kultura puis repris à la fin du tome I de son journal énonce la chose ainsi : " Ce qui lasse dans la poésie pure, c'est l'excès de poésie, oui, la pléthore de paroles poétiques, de métaphores, de sublimation -bref l'excès de condensation qui épurent ces textes de tout élément anti-poétique et dont l'accumulation fait finalement ressembler le poème à un produit chimique". C'est gonflé, mais il s'agit de ne pas oublier que c'est au nom d'une conception exigeante de la poésie comme l'écrit Constantin JELENSKI dans une lettre à son ami datée de 1959 et "contre les non-poètes faisant de la versification" que W.GOMBROWICZ s'emporte. Il défend une poésie qui saurait au contraire réconcilier la forme et les idées trop souvent délaissées par les artistes qui unirait le matériau brut fournit par la vie et l'exigence de la pensée. C'est déjà la grande affaire de ses romans " Ferdydurke" (le premier), "la pornographie", et l'impressionnant "Cosmos", ses pièces de théâtre vont aussi dans ce sens réconciliant l'allégorie et l'existence de l'homme concret. Il s'agit pour l'Homme de se former au contact avec d'autres Hommes . Ainsi l'ancien mode de fonctionnalité du monde "chacun sa place, chacun son rôle" est profondément subverti chez W. GOMBROWICZ. L'autorité divines et paternelles sonnent dans le vide et tournent à l'impuissance. Si tout sonne faux, si tout bégaye; c'est bien qu'il faut réinventer le langage; plonger les mots en cet état d'indistinction, de vide même -Ou de vide rationnel- comme les formules de ces rites anciens, les paroles qui servent à faire tomber la pluie...

Et la musique est par ICI

05:13 Publié dans A tribute to, Ciels, De visu | Lien permanent

samedi, 25 octobre 2008

Tempo fugit...

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Le temps agité nous apparaît comme du temps vivant, par opposition au temps lent qui nous semble mort. C'est l'inverse qui est vrai, et nous avons sans doute perdu l'art de faire alterner les deux temps.

Aller plus vite, ce n’est qu’affaire de bonne "gestion" du temps, tous les spécialistes vous le diront. Cours éclairs, séminaires accélérés, livres en gros caractères avec passages clés surlignés, agendas papier ou électroniques pour les plus pros. 10,000 adresses, 3,000 rendez-vous et 400 courriels sans compter les centaines de têtes qu'il faut croiser dont une vingtaine ou plus, à saluer. Combiner, morceller les tâches, déléguer, rediriger... Abrégés, sommaires, résumés, statistiques, narratifs coulés dans le moule des catégories obligées. Gérer le temps c'est jongler. Tout est dans l'art de ne consacrer à l'objet que l'attention nécessaire pour le remettre vite en circulation. Une fois organisés, évitons que les évènements (ou les autres) ne nous désorganisent. Contacts personnels, conversations trop longues, remplaçons! il y a des messageries, des courriels. Evitons les questions ouvertes qui appellent des réponses élaborées. Si quelqu'un nous demande si ça va. répondons que "ça va". Pas la peine nous étendre trop sur le sujet... Essayons de prendre RV pendant le déjeûner, c'est toujours ça de gagné. Après tout, par le passé, presque tous les rois le faisaient, donnant même rendez-vous sur leur chaise percée...

Dans Faster, un livre écrit rapidement, qui traite de la question des méfaits de notre engouement pour la vitesse, en 37 courts chapitres faits pour être parcourus - le mot le dit - à la course, l’auteur, GLEICK, s’amuse de l’étonnement des musiciens contemporains confrontés à ce symbole que les compositeurs classiques aimaient chapeauter d’un point d’orgue: comment, et surtout pourquoi étirer un temps d’arrêt ?
Le présent n’a de sens qu’en rapport avec un idéal, un absolu intemporel. Cet absolu, le ciel étoilé, avec ses lents mouvements réguliers qui toujours recommencent, en fournit le plus ancien modèle; et la première mesure du mouvement comme de la stabilité du temps. C’est aussi le temps de PARMENIDE CLICK où reste suspendue la flèche ailée de ZENON (voire paradoxe de ZENON) qui n’atteindra jamais le but puisqu’elle doit, avant d’arriver, toujours parcourir la moitié de ce qui lui reste à courir et que toute distance peut toujours être divisée par deux. Temps arrêté par la pensée. Silences et points d’orgue: une musique peut-elle faire autre chose que se détacher d’un fond de silence pour y retourner ensuite? Il lui faut pour être, cette trame immobile, ce temps pulsé, bruit de fond de l’univers...

Sources: Notes de lecture: Dominique COLLIN. Extr  "Temps mort, temps vivant". Art Web.

jeudi, 23 octobre 2008

Perplexus

"À quel prix et pourquoi préserver le chant, lorsque la voix humaine rend un son de "cloche fêlée" (Baudelaire), semble tout près de se taire (Verlaine), fait entendre son dernier "couac"(Rimbaud), ou s’étrangle d’un spasme (Mallarmé) ? Comment se rapporter encore à l’Idéal, quand celui-ci n’est plus l’horizon vers lequel on court, mais un "instinct de ciel" désaffecté, lorsque s’estompent les arrière-mondes, cédant la place au creusement de "l’espace du dedans" (Michaux) ? Mais de quoi parlons-nous, lorsque nous écrivons ?"

Source notes de lecture: "Le poète perplexe" essai de critique de Jean-Michel MAULPOIX paru aux Editions José Corti, en février 2001anges porte.jpg

Perplexus, en latin, signifie "enlacé, enchevêtré, confondu", puis, au figuré, "embrouillé, embarrassé, obscur"

Photo: Au dessus des vieilles portes, trois sortes d'anges lascifs nous regardent passer, rue de la République à Lyon. Octobre 2008.